Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sorte que le bon et l’agréable, considérés comme fins, seraient dignes d’amour.

Mais ce qu’on aime, est-ce le bon en soi, ou ce qui n’est bon que pour nous ? Car ces deux sortes de bonté ne s’accordent pas toujours ; et l’on peut faire la même question au sujet de ce qui est agréable. Au reste, il semble que chacun aime ce qui lui est bon, et que le bon, dans un sens absolu, est aimable en général ; au lieu qu’il n’y a d’aimable pour chacun que ce qui est bon pour chacun. D’un autre côté, chaque homme n’aime pas précisément ce qui est bon pour lui, mais ce qui lui semble tel : mais cela reviendra au même ; car alors ce sera seulement ce qui lui paraît aimable [que chaque homme aimera].

Toutefois, comme il y a trois conditions qui font que l’on aime, on ne se servira pas du mot amitié pour exprimer le goût que l’on a pour des choses inanimées ; car elles n’ont pas, à leur tour, du goût pour nous, et nous ne faisons point de vœux pour leur avantage. Et certes il serait ridicule de vouloir du bien au vin (par exemple), excepté le cas où l’on désire qu’il se conserve, pour en faire usage ; au lieu qu’on dit qu’il faut vouloir du bien à un ami, uniquement pour lui-même. Ceux qui éprouvent ce sentiment, sont appelés bienveillants, quand même ils ne seraient pas payés de retour par celui dont ils désirent le bien. Car la bienveillance entre personnes qui se portent réciproquement le même sentiment, est de l’amitié, à moins qu’on ne croie devoir y ajouter la condition que