Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/481

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satisfaire, s’ils aiment à vivre ensemble ; et celui qui se plaindrait que l’autre ne trouve pas de plaisir dans cette liaison, serait ridicule, puisqu’il ne tiendrait qu’à lui de ne pas consacrer ses jours entiers à une pareille amitié.

Mais les liaisons fondées sur l’utilité, sont exposées à ce genre d’inconvénient : car, comme on ne s’attache l’un à l’autre qu’en vue des avantages qu’on espère, on en désire toujours de plus grands, on croit toujours en trouver moins qu’on avait droit d’en attendre, on se plaint, de ne pas obtenir tout ce qu’on aurait dû trouver et qu’on méritait : et le bienfaiteur se voit dans l’impossibilité de satisfaire à tous les besoins de l’obligé.

On pourrait dire que de même qu’il y a deux sortes de droit, l’un [naturel] et non écrit, et l’autre déterminé par la loi, de même l’amitié fondée sur l’utilité, est de deux sortes, l’une morale, et l’autre légale. Or, les plaintes et les réclamations ont lieu surtout lorsque les engagements réciproques ne se sont pas formés d’après la même espèce d’amitié qui existe au moment de la rupture[1]. L’amitié que j’appelle légale a pour base des conventions expresses ; elle est tout-à-fait mercantile, et, comme on dit communément, de la main à la main. Elle

  1. C’est-à-dire, lorsque l’amitié qui était fondée sur des convenances morales réciproques, vient à se rompre par suite d’arrangements où la loi peut ou doit intervenir, comme l’auteur le donne à entendre, dans un autre endroit. (Eudem. l. 7, c. 10).