Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/501

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais, si l’on s’est attaché à son ami, le croyant vertueux, et qu’ensuite il devienne vicieux, ou le paraisse, doit-on continuer de l’aimer, ou plutôt, n’est-ce pas une chose impossible, puisqu’il n’y a de véritablement digne d’amour que ce qui est bon ? Il ne faut donc pas aimer un méchant ; car on doit bien se garder d’un penchant aussi dépravé, et de devenir semblable à l’homme vil ou méprisable : et, comme dit le proverbe déjà cité, On recherche toujours qui nous ressemble[1]. Mais faut-il rompre sans délai, ou bien, n’y est-on pas obligé dans tous les cas, mais seulement dans celui d’une perversité incurable ? S’il y a, en effet, moyen d’amender un ami, on doit tâcher de réformer ses mœurs, encore plus qu’on ne doit l’aider à réparer sa fortune, parce que c’est un procédé plus généreux et plus digne de l’amitié. Cependant, celui qui romprait ne ferait rien d’étrange ; car, enfin, ce n’était pas comme tel qu’il avait choisi son ami, et se voyant dans l’impuissance de le retirer du vice, il s’éloigne de lui.

D’un autre côté, si l’un restait le même, tandis que l’autre deviendrait plus estimable, et ferait de

    pouvoir sont bien assez disposés à empêcher qu’on ne parle, et surtout qu’on ne dise ce qu’ils font ; mais assurément ce qu’il y a de plus injuste à la fois et de plus absurde, c’est de prétendre interdire la parole à ceux que l’on accuse.

  1. Voyez les Caractères de Théophraste (c. 39, p. 155 et 335 de l’édit. de Mr  Coray). Ce proverbe a été rappelé ci-dessus (l. 8, c. 1.)