Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/522

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demande encore : si c’est dans l’infortune ou dans la prospérité qu’on a plus besoin d’amis ? Car, dans le premier cas, on a besoin de trouver des personnes disposées à rendre service, et, dans le second, il en faut trouver à qui l’on puisse faire du bien.

D’ailleurs, il est peut-être absurde de vouloir faire de l’homme parfaitement heureux un être tout-à-fàit isolé : car il n’y a personne qui voulût posséder tous les biens uniquement pour lui seul. En effet, l’homme est destiné par la nature à vivre en société avec ses semblables : l’homme heureux a donc aussi le même penchant, puisqu’il possède tous les biens qui sont conformes à notre nature. Or, il lui est évidemment plus avantageux de vivre avec des amis, qui soient honnêtes et vertueux, que de passer ses jours avec des étrangers sans mérite et sans vertu : l’homme vertueux a donc besoin d’amis.

Que veulent donc dire les auteurs de l’opinion que nous avons exposée tout-à-l’heure, et jusqu’à quel point peuvent-ils avoir raison ? Serait-ce que le vulgaire ne regardant comme amis que ceux de qui l’on tire quelque utilité, il s’imagine que l’homme parfaitement heureux n’aura aucun besoin de ceux-là, puisqu’il possède tous les biens ? Ou que, si l’on considère l’agrément, des amis ne lui seront pas plus nécessaires, ou du moins le seront très-peu, parce que, sa vie étant remplie de satisfactions, il n’a pas besoin de plaisirs empruntés ? Et qu’enfin, puisque de tels amis ne lui sont