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Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/526

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penser que nous pensons ; or, sentir que l’on sent et qu’on pense, c’est être ; car être, c’est sentir ou penser. Mais sentir que l’on vit, est en soi une chose agréable, puisque, par sa nature, la vie est un bien. C’est aussi une chose agréable que de sentir le bien que l’on possède en soi-même. Vivre est donc une chose désirable, surtout pour les hommes vertueux, parce que c’est pour eux un bien et une jouissance que d’être, et parce que la conscience qu’ils ont de posséder ce qui est un bien en soi, les comble de joie.

L’homme vertueux est à l’égard de son ami, dans la même disposition où il est par rapport à lui-même : car un ami est un autre nous-mêmes. Autant donc que chacun souhaite d’exister, autant, ou peu s’en faut, il souhaite que son ami existe. Mais on ne désire d’être qu’autant que l’on se sent vertueux, et un pareil sentiment est par lui-même rempli de charmes ; il faut donc aussi sentir que notre ami existe, ce qui ne peut avoir lieu, qu’autant qu’on vit avec lui, qu’on est avec lui en commerce de paroles et de pensées ; car c’est là ce qui s’appelle, pour les hommes, vivre ensemble, et non pas comme pour les animaux, pour qui c’est seulement paître dans le même lieu. Si donc l’existence est désirable en soi, pour l’homme au comble de la félicité, attendu que naturellement la vie est un bien et une jouissance, l’existence d’un ami est à peu près au même degré désirable, et l’ami sera au nombre des choses qu’on doit souhaiter. Mais ce qu’on doit souhaiter pour