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livre i, chap. ii

quelque autre but plus éloigné, comme on le voit par les sciences que nous avons citées pour exemples.

II. Mais si nos actes ont un but que nous veuillions pour lui-même, et en vue duquel nous désirions tout le reste, en sorte que chacune de nos déterminations ne soit pas successivement l’effet de quelque vue nouvelle (car, de cette manière, cela irait à l’infini[1], et nos vœux seraient dès lors entièrement vains et sans objet), il est évident que ce but ne saurait être que le bien (en soi), et même le souverain bien : et dès lors peut-on nier que la connaissance de ce but ne puisse avoir une influence très-importante sur notre vie, et que, comme des archers auxquels on marque le point où ils doivent diriger leurs traits, nous ne soyons plus en état de nous procurer ce dont nous avons besoin[2] ? Et, s’il en est ainsi, il faut que

  1. « Le motif qui fait entreprendre une chose, c’est la fin. Or, celle-ci n’a pas lieu en vue d’une autre chose ; mais les autres choses se font pour elle. Tellement que s’il y a ainsi un dernier terme, il n’y aura pas progrès à l’infini ; mais s’il n’y a rien de tel, il n’y aura aucun motif pour faire quelque chose. Cependant ceux qui admettent l’infini, ne s’aperçoivent pas qu’ils anéantissent ainsi la nature du bien : car, assurément, personne ne songerait à entreprendre quoi que ce soit, s’il ne devait pas arriver à un terme. »
    Aristot., Metaphys., l. 2, c. 2.
  2. « Faute de connaître la vérité, dit Platon, on manque d’un but qu’il faut sans cesse avoir en vue, dans toutes les actions de sa vie, soit publiques, soit privées. » (De Repub. l. 7, p. 137, Bip.)