Avancer cette dernière opinion, et soutenir que le mouvement a des intermittences dans la nature, c’est, je le crains bien, une pure rêverie. Il n’y a pas plus de raison à prétendre pour toute explication, comme le fait Empédocle, que la nature le veut ainsi, et que c’est là ce qu’on doit regarder comme le principe des choses ; car c’est à cette dernière conclusion qu’aboutit le système d’Empédocle, quand il nous dit que l’Amour et la Discorde dominent tour à tour, et donnent le mouvement aux choses par une nécessité inhérente à leur nature, et que dans l’intervalle de leur lutte il y a un temps de repos.
C’est bien là encore ce que disent ceux qui, comme Anaxagore, ne reconnaissent qu’un seul principe, et qui croient qu’à un moment donné ce principe est entré en mouvement, après être resté un temps infini dans une absolue inaction. Mais jamais il ne peut y avoir de désordre dans les choses qui sont faites par la nature, et qui sont conformes à ses lois ; toujours la nature est une cause d’ordre et de régularité. Le mouvement infini, que suppose Anaxagore, ne peut avoir aucun rapport avec le repos infini qui l’avait précédé ; car les infinis sont incommensurables, tandis que l’ordre suppose toujours entre les choses un rapport, que la raison approuve et qu’elle peut comprendre. Mais, qu’après un repos qui a duré un temps infini, survienne par hasard le mouvement, et qu’on trouve indifférent que le mouvement survienne à tel instant plutôt qu’à tel instant antérieur, sans qu’il y ait en ceci aucun ordre, j’affirme que ce ne peut plus être là l’œuvre de la nature ; car ce qui est par nature est d’une manière absolue ; il ne peut pas tantôt être et tantôt n’être plus, être tantôt de telle manière et tantôt de telle autre.