Page:Aristote - Production et destruction des choses, Ladrange, 1866.djvu/100

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et redoutable, est alarmé de succès si constants ; et connaissant l’instabilité des choses humaines, il conseille au trop fortuné mortel de se tenir sur ses gardes contre les retours de la destinée. Il lui écrit donc une lettre bienveillante et prophétique, où il lui recommande de s’imposer à lui-même quelque sacrifice, pour désarmer, s’il le peut, cette implacable faveur d’un sort trop souvent trompeur et perfide. Polycrate, presqu’aussi inquiet que celui qui le conseille, fait réponse à son ami ; il lui raconte dans une lettre, qu’il lui envoie en Égypte, le moyen qu’il a pris pour s’infliger de son propre choix, une perte douloureuse, et le hasard extraordinaire qui a rendu son sacrifice inutile. Amasis et Polycrate échangent des lettres et correspondent de Samos à Memphis, aussi facilement que pourraient le faire de nos jours des négociants de Smyrne et d’Alexandrie[1].Je ne prétends pas que la lettre d’Amasis, telle que l’historien la rapporte, soit bien authentique ; mais il n’y a point à élever le moindre doute sur le fait même d’un commerce épistolaire entre les deux rois.

Ainsi que je l’ai rappelé plus haut, ce même Polycrate passe pour avoir amassé une nombreuse bibliothèque, et avoir été un des premiers dans le monde

  1. Hérodote, Livre III, chap. 40 et suivants.