Page:Aristote - Production et destruction des choses, Ladrange, 1866.djvu/392

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ils donneraient aux Dieux qu’ils dessineraient des corps tout pareils aux leurs, les chevaux les mettant sous la figure de chevaux, les bœufs sous la figure de bœufs.  »

Depuis Xénophane, on a mille fois imité ces vers, qui sont parfaitement vrais ; et pour que les hommes ne donnent pas leur visage à Dieu, quand ils essaient de le représenter, il faudrait qu’ils s’abstinssent absolument d’en faire aucune représentation, comme le veulent quelques religions par trop rigides.

Après les vers de Xénophane, on peut invoquer le témoignage d’Aristote dans des ouvrages autres que notre petit traité. Ainsi dans la Rhétorique, (liv. II chapitre 23) il rapporte que, selon Xénophane, c’est « une égale impiété de croire à la naissance des Dieux et à leur mort ; car de l’une et l’autre manière, il y a un moment où les Dieux ne sont plus. » Aristote cite un peu plus bas une réponse de Xénophane aux Eléates, qui lui demandaient s’ils devaient faire un sacrifice et des lamentations solennelles en l’honneur de Leucothoè : « Si à vos yeux, leur dit-il c’est une déesse, il ne faut pas la pleurer ; si ce n’est qu’une mortelle, il ne faut pas de sacrifices pour elle.  » Plutarque prête aussi à Xénophane une pensée identique ; seulement au lieu des Eléates, c’est aux Égyptiens que le conseil s’adresse ; au lieu de la nymphe Leucothoê, c’est Osiris (De Iside et Osiride, page 463, ligne 27, et Amatorius, page 933, ligne 16, édition de Firmin Didot.)

D’après des idées si hautes et si justes sur Dieu, on conçoit mieux l’irritation de Xénophane contre les poètes qui abaissaient la majesté divine, et qui « comme Homère et Hésiode n’hésitaient pas à attribuer aux Dieux tout ce qui est déshonorant parmi les hommes : le vol, l’adultère,