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Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/236

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Ensuite, les nombres, les longueurs, les figures, les points, sont-ils ou non des substances ; et, s’ils sont des substances, sont-ils indépendants des objets sensibles, ou existent-ils dans ces objets ? Sur tous ces points, non seulement il est difficile d’arriver à la vérité par une bonne solution, mais il n’est pas même bien facile de se poser nettement les difficultés.

II.

D’abord, comme nous nous le sommes demandé en commençant, appartient-il à une seule science ou à plusieurs, d’examiner toutes les espèces de causes[1] ? Mais comment appartiendrait-il à une seule science de connaître des principes qui ne sont pas contraires les uns aux autres[2] ? Et de plus, il y a un grand

  1. Cette difficulté, résolue historiquement dans le premier livre, a sa solution philosophique au liv. IV, 8.
  2. Μὴ ἐναντίας οὔσας Savoir qu’une chose est, c’est nécessairement savoir ce qu’elle n’est pas ; et savoir ce qu’elle n’est pas, c’est aussi, sous un point de vue savoir ce qu’elle est. La science d’une chose est donc en même temps la science du contraire de cette chose.Toute science est donc science des contraires. Si l’on s’en tient à cette idée, on peut s’étonner, comme le suppose Aristote, qu’une seule science embrasse des principes qui ne sont pas contraires les uns aux autres. Du reste, les commentateurs font voir sans peine qu’il y a dans l’objection une pétition de principe. La proposition dont il s’agit suppose en effet celle-ci : Une science ne peut jamais être science que des contraires ; ce qui est faux. Voyez Alex. Âphr. Schol, p. 608. Sepulv., p. 58 ; Asclep. Schol., p. 608. Asclepius remarque, à la fin du livre, que la plupart des arguments développés par Aristote dans ce livre, reposent sur des principes non pas vrais, mais vraisemblables, ἐξ ἐνδόξων, et qu’il cherche, non pas à démontrer, mais à faire croire seulement, κατὰ τὸ πιθανόν. Schol, p. 636. On aura plus d’une fois l’occasion d’apprécier la justesse de cette observation. St. Thomas dit à peu près la même chose qu’Asclépius : α Posset ergo dici qood philosophus in his disputationibus non solum probabilibus rationibus utitur, sed etiam interdum sophisticis, ponens rationes quæ ab aliis inducebantur. » fol. 28, a. Toutefois St. Thomas ne trouve pas l’argument en question aussi faible qu’on l’a prétendu ; il met un soin infini à le fortifier, à lui donner quelque consistance. Pour nous. nous nous en tenons à sa première remarque, et à l’observation d’Asclepius même dans le cas qui nous occupe.