Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/300

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prouvent que toutes les apparences ne sont pas vraies. Et d’abord, la sensation même ne nous trompe pas sur son objet propre ; mais l’idée sensible n’est pas la même chose que la sensation. Ensuite, on peut s’étonner à juste titre que ceux dont nous parlons restent dans le doute sur des questions comme celles-ci : Les grandeurs ainsi que les couleurs sont-elles réellement telles qu’elles apparaissent à ceux qui sont éloignés, ou telles que les voient ceux qui en sont près ? Sont-elles réellement telles qu’elles apparaissent aux hommes bien portants, ou telles que les voient les malades ? La pesanteur est-elle ce qui paraît pesant aux hommes de faible complexion, ou bien ce qui l’est pour les hommes robustes ? La vérité est-elle ce qu’on voit en dormant, ou ce qu’on voit pendant la veille ? Personne, évidemment, ne croit qu’il y ait sur ces points la plus légère incertitude. Y a-t-il quelqu’un, s’il rêvait qu’il est dans Athènes, alors qu’il serait en Afrique, qui s’imaginât, sur la foi de ce rêve, de se rendre à l’Odéon[1] ? D’ailleurs, et c’est Platon qui fait cette remarque, l’opinion de l’ignorant n’a certainement pas une autorité égale à celle du médecin, quand il s’agit de savoir, par exemple, si le malade recouvrera ou ne recouvrera pas la santé[2]. Enfin, le témoignage d’un sens sur un objet qui lui est étranger,


  1. Asclépius, Schol, p, 673, entend ici par Odéon, l’orchestre du théâtre. Il s’agit bien plutôt de cet édifice bâti par Périclès, où les chanteurs les plus habiles venaient disputer le prix de la musique, et qui était un lieu de rendez-vous pour les Athéniens. Voyez Codd. regg. mss. 1 et 2. Schol, p. 673.
  2. Protagoras, XII, p. 322 : « La médecine a été donnée à un seul pour l’usage de plusieurs qui n’en ont aucune connaissance. » C’est à ce passage de Platon que renvoie ici Alexandre. Nous en rapprocherons cet autre passage, Républ, liv. III, p. 389 : « Cependant la vérité a des droits dont il faut tenir compte. Si nous avons eu raison de dire que le mensonge inutile aux dieux est quelquefois pour les hommes un remède utile, il est évident que c’est aux médecins à l’employer, et non pas à tout le monde indifféremment. »