Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/359

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pas, cette époque venue. La cécité est une privation ; mais on ne dit point qu’un être est aveugle à un âge quelconque, mais seulement s’il n’a pas la vue à l’âge où il doit naturellement l’avoir. Il y a également privation lorsqu’on n’a point telle faculté dans la partie où l’on doit l’avoir, appliquée aux objets auxquels elle doit s’appliquer, dans les circonstances et de la manière convenables. La suppression violente s’appelle encore privation.

Enfin toutes les négations marquées par la particule in ou toute autre semblable[1], expriment autant de privations. On dit qu’un objet est inégal, lorsqu’il n’a point l’égalité qui lui est naturelle ; invisible, quand il est absolument sans couleur, ou quand il est faiblement coloré ; on appelle sans pieds celui qui n’a pas de pieds ou qui en a de mauvais. Il γ a aussi privation d’une chose lorsqu’elle est en petite quantité : un fruit sans noyau, pour un fruit qui n’a qu’un petit noyau ; ou bien lorsque cette chose se fait ou difficilement ou mal : insécable ne signifie pas seulement qui ne peut être coupé, mais qui se coupe difficilement, qui se coupe mal. Enfin privation signifie manque absolu. On n’appelle pas aveugle celui qui ne voit que d’un œil, mais celui qui ne voit ni de l’un ni de l’autre. D’après cela tout être n’est pas ou bon ou méchant, ou juste ou injuste ; il y a des intermédiaires.


  1. Le texte : Αἱ ἀπὸ τοῦ Α στερήσεις. Nous avons été obligés d’ajouter quelque chose, à cause de l’impossibilité de trouver un équivalent de ἄπουν, commençant par la particule in, et aussi parce que plusieurs autres particules, telles que , , etc., jouent dans notre langue le même rôle que l’α privatif en grec.