Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/42

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Anaxagore est peut-être le seul de tous ces philosophes qui se soit formé une idée nette de la cause motrice. Au lieu de rapporter au hasard l’ordre et la beauté du monde, il proclama qu’il y avait dans la nature une Intelligence (νοῦς) cause de l’arrangement et de l’ordre universel ; il établit que la cause de l’ordre était en même temps et le principe des êtres, et la cause que leur imprime le mouvement. C’était-là une idée féconde pour la science ; c’était, comme le dit Aristote, l’apparition de la raison même. Mais Anaxagore n’en dira point tout le parti possible. Il admettait deux éléments : d’un côté, l’Intelligence, l’unité, de l’autre, l’indéterminé, une substance sans forme, sans qualité aucune, organisée par l’Intelligence ; mais il se servait peu de l’Intelligence. C’était une sorte de machine qu’il ne produisait sur la scène que quand il ne pouvait avoir recours à une autre cause[1].

Ce n’est que chez les Pythagoriciens[2] que nous pouvons rencontrer le germe d’un système plus com-

  1. Liv. 1,4.
  2. Aristote ne distingue jamais les doctrines de Pythagore de celles de ses disciples. C’eût été de son temps une tâche à peu près impossible. Pythagore n’avait rien écrit, de l’aveu même des anciens, et il est probable que ses premiers disciples avaient suivi son exemple. La doctrine dut se transmettre d’abord oralement, chacun y ajoutant ses propres idées, jusqu’à l’époque où Philolaüs (né vers 392 av. J.-C.) formula le système. Il n’était point facile de rendre à chacun sa part dans une doctrine qui s’était enrichie des découvertes de cinq ou six générations ; aussi Aristote se contente-t-il de l’examiner en général ; il emploie habituellement un mot aussi vague que compréhensif : « Ceux qu’on nomme Pythagoriciens. »