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26 MÉTAPHYSIQUE D’ARISTOTE

accidentellement une sphère d’airain. Ce qu’il produit, c’est la sphère d’airain ; car produire un être particulier, c’est, du sujet absolument indéterminé, faire un objet déterminé[1]. Je dis par exemple, que rendre rond l’airain, ce n’est produire ni la rondeur, ni la sphère ; mais c’est produire un tout autre objet, c’est produire cette forme dans autre chose. Si l’on produisait réellement la sphère, on la tirerait d’autre chose ; alors il faudrait un sujet, comme dans la production de la sphère d’airain. Produire une sphère d’airain ne veut pas dire autre chose que faire de tel objet qui est de l’airain, telle autre chose qui est une sphère. Si donc il y a production de la sphère elle-même, la production sera de même nature : ce ne sera qu’une transformation, et la chaîne des productions se prolongera ainsi à l’infini. Il est donc évident que la figure[2], ou quel que soit le nom qu’il faut donner à la forme réalisée dans les objets sensibles, ne peut point devenir, qu’il n’y a pas pour elle de production, que néanmoins la figure n’est pas une essence[3]. La figure, en effet, c’est ce qui se réalise dans

  1. Ἐκ τοῦ ὅλως ὑποκειμένου τόδε ποιεῖν
  2. Μορφήν
  3. Alexandre d’Aphrodisée, traduction de Sepulveda, p. 197 : « Nec solum, inquit, palam est formam quæ habetur in sensibili, non generari, sed ne hæc quidem, formam dico quæ habetur in sensibili, est quidditas. Quidditas enin universalis est, et intelligibilis, hæc ad rem sensibilis est particularis, quæ in materia ingeneratur a natura, ut forma in me, et in singulis ab arte, ut æneus globus. » Cette distinction entre la forme et la figure est d’une grande importance. Elle fait pressentir le but que se propose Aristote ; elle est le premier degré de la théorie dont le faîte est la connaissance de l’être absolu, éternel, absolument acte, absolument essence. La figure n’est plus la matière, mais ce n’est pas encore la forme pure, l’actualité, l’essence.