Page:Armand - Se sentir vivre, paru dans L’Ère nouvelle, mi-avril 1910.djvu/6

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II. Se sentir vivre ce n’est pas seulement avoir conscience qu’on accomplit régulièrement les fonctions conservatrices de l’individu et, si l’on veut, de l’espèce. Se sentir vivre ce n’est pas non plus accomplir les gestes de sa vie selon un tracé bien délimité, d’accord avec les déductions d’un livre savant écrit par quelque auteur ne connaissant de la vie que les cornues, les creusets et les équations. Se sentir vivre ce n’est certes pas se contenir dans les allées bien sablées d’un jardin public quand vous appellent les sentiers capricieux des sous-bois sauvages. Se sentir vivre, c’est vibrer, tressaillir, frissonner aux parfums des fleurs, aux chants des oiseaux, aux bruits des vagues, aux hurlements du vent, au silence de la solitude, à la voix fiévreuse des foules. Se sentir vivre, c’est être sensible à la mélopée plaintive du pâtre comme aux harmonies des grands opéras, aux rayonnements d’un poème comme aux voluptés de l’amour.