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– Monsieur le comte, s’était hâté de dire l’hôtesse, je suis la mère de tous mes clients ; vous n’avez qu’à exprimer un désir, il sera satisfait ; j’irai même au devant de vos vœux, cherchant à deviner…

– Je ne réclame pas tant, dit froidement Olivier, pour couper court à cet excès de zèle. Je vous prie seulement, si le cas arrivait que je n’eusse pas sonné avant midi, de faire monter dans ma chambre et d’envoyer chercher un médecin, si j’en avais besoin.

– Oh ! monsieur, j’irais moi-même.

Le comte n’ayant pas répondu, Mme Berthaud comprit qu’il voulait être seul et s’esquiva sans bruit.

Comme on le voit, si M. de Frankallais n’aimait plus la vie, il n’était pas pressé de mourir.

Mme Berthaud était une excellente femme. Elle se promit d’entourer de sollicitude ce « grand seigneur beau et triste » que la Providence lui envoyait, dans le double but de faciliter ses petites affaires et de lui donner l’occasion d’exercer la charité chrétienne.

Le comte sortait dès le matin. Il marchait lentement, et s’asseyait souvent ; cela durait toute la journée. Il voyait passer les jeunes bonnes au Jardin-des-Plantes, les grisettes au Luxembourg, les femmes du monde aux Tuileries ; mais c’était à peine s’il leur accordait un regard. Son cœur était mort, son imagination éteinte. Il différait peu d’un cadavre que le cercueil eût rejeté parmi les vivants, sans pouvoir lui rendre les aspirations de la vie. Lui-même provoquait cet anéantisse-