la patrie d’Homère, et foulé le sol d’Athènes. Il est vrai que tu n’as pu interroger que les ruines de cette ville superbe ; tandis que Virgile a vu debout encore ; et le temple de Minerve et le Jupiter de Phidias, et les statues des grands hommes dans le Céramique, et la tribune où tonnait Démosthènes. Mais ce spectacle, si beau pour les yeux et pour l’ame d’un poëte, est le seul avantage que la destinée ait accordé sur toi au chantre divin de la malheureuse Didon. Virgile mourut jeune encore : il mourut avec la douleur de laisser imparfait l’impérissable monument de sa gloire ; et pour comble d’infortune, privé des mains d’un ami qui lui fermât les yeux, il succomba à une maladie cruelle, et fut réduit à prononcer sur lui-même, en jetant ses derniers regards vers la terre natale, ce trait si touchant de son Énéide :
Et dulces moriens reminiscitur argos.
» Et ces honneurs suprêmes qu’il avait décrits tant de fois avec un charme inexprimable, on ignore s’ils ont été dignement rendus à son ombre. Ces pleurs de la patrie en deuil qu’il avait espéré sans doute, l’infortuné ne les a point obtenues sur son tombeau. Combien le Ciel fut plus indulgent pour toi, ô mon illustre maître ! Rien de plus brillant, de plus heureux que ta jeunesse et ton âge mûr. Les monumens de ta gloire ont excité sous tes propres yeux un enthousiasme général. Tu as eu le tems de donner à tes ouvrages, dans un examen sévère et réfléchi, le sceau de la maturité. Ta vieillesse troublée, il est vrai, par des orages, a enfanté des chefs-d’œuvres, que tu dois, peut-être à l’adversité. Tu as vu toutes les classes de la société, et sur-tout les générations naissantes, espoir de l’État, t’environner d’applaudissemens, de respect et d’amour. Jusques à la fin de ta carrière, tu as conservé la chaleur de ton ame, la force de ton talent, la fraicheur et la vivacité de ta brillante imagination. Deux jours avant ta mort, les beaux vers coulaient encore de ta veine, comme des inspirations de la jeunesse.