Page:Arnelle - Une oubliee madame Cottin.djvu/140

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se refroidir en voyant la forme qu’il prenait dans l’esprit de la populace. Le couteau de la guillotine fonctionnant en permanence sous leurs fenêtres força la mère et la fille à se réfugier dans une maison de campagne qu’elles possédaient à Passy.

C’était alors vraiment la campagne, comme Chaillot, Monceaux, Neuilly. Au lieu de moellons élevant les six ou sept étages d’une nouvelle ville que Paris s’incorpore, de verts ombrages entouraient quelques maisons clairsemées. Le château de Passy appartenait à la famille de Montmorin, victime aussi de la Révolution ; un enclos paisible avait abrité La Fontaine, en attendant que le philosophe Raynal, le savant Franklin, l’illustre chansonnier Bérenger, Balzac l’observateur géant de la Comédie humaine, Jules Janin et tant d’autres hommes de pensée, vinssent, à la faveur de son repos, donner carrière à leur talent, à leur génie.

Le ravisseur du miel de l’Hymette, aux vers harmonieux égarés dans cette époque sanglante, André Chénier, fut arrêté en cet endroit chez des amis. Le doux poète, fort comme un athlète, tout à la fois intrépide, voluptueux et mélancolique, rêvait d’amour et de bonheur sous des formes