Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v1.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une partie de cette dépense aux riches, qui eussent remboursé leur part, sous forme d’un impôt versé dans les caisses de l’Etat, il y eut bientôt, parmi les personnes sans fortune, une misère cruelle.

Les hommes de la défense nationale crurent avoir paré à tout, en accordant aux gardes nationaux qui en feraient la demande, un subside de fr. 1-50 par jour, et à leurs femmes légitimes, de 75 centimes.

Ainsi les ouvriers se trouvaient réduits, pour unique ressource, eux et leur famille souvent nombreuse, à une somme de fr. 2-25 par jour, dans un moment où les denrées avaient atteint un prix fabuleux, inabordable même aux bourses moyennes.

Avec ces quarante-cinq sous, il fallait acheter le chauffage et le charbon, devenus introuvables, payer la ration insuffisante de viande et de pain, distribuée à jours fixes, dans chaque arrondissement, par les soins des mairies. Cela était tellement dérisoire, tellement impossible, que beaucoup de femmes du peuple vendaient leur carte de boucherie aux gens riches, qui se trouvaient ainsi avoir plusieurs rations supplémentaires à bon compte.

« Que voulez-vous que je fasse de ma carte ? disaient ces pauvres femmes ; je n’ai pas de quoi payer la viande qu’elle me procurerait. »

Ces malheureuses achetaient, avec le produit de cette vente, quelques résidus immondes ou un peu de charbon ; puis, cette maigre ressource épuisée, allaient se faire inscrire aux indigents.

Plutôt que d’accomplir un acte juste, mais qui aurait eu un caractère démocratique, en privant les millionnaires de la satisfaction de se payer