Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/134

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les misères humaines chez les favoris de la gloire. Il faut reconnaître que le plaisir en est bien avivé, lorsqu’il s’exerce aux dépens d’un tyran des mots ou des hommes ; il prend alors je ne sais quoi de la saveur exquise de la vengeance.

Lisons donc les Mémoires de Racan et son supplément inédit, après déjeuner (c’est une lecture digestive), tout comme nous lisons notre journal qui nous donne les informations intimes sur un homme illustre, d’après l’interview de son valet de chambre.

Racan n’avait pas absolument tout écrit à Ménage, il n’avait pas vidé jusqu’au fond son sac à souvenirs. C’était le plus souvent pudeur ou prudence : il avait en effet jugé certains mots de Malherbe vraiment trop lestes pour souffrir l’écriture, bien qu’il se fût déjà montré dans les Mémoires singulièrement large en ce sens ; d’autres mots lui semblaient trop libres en politique ou en religion, à présent que Richelieu, continué par Mazarin, avait appris à tous qu’il était perdu sans retour, ce franc-parler de la cour d’Henri IV et de la Régence de Marie de Médicis. Dans la série des « bons mots » de Malherbe, la partie réservée était donc la plus piquante. Racan, s’il n’avait point osé l’écrire, continua plus que jamais à la conter, mais avec quelque mystère sans doute, et