Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/138

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grave sujet, comme on l’a fait pour Napoléon Ier : Malherbe, avec son sans-gêne habituel, ne devait pas faire difficulté d’en entretenir la compagnie.

Vous savez encore que Malherbe était un conservateur intransigeant en politique comme en tout le reste : en littérature, c’est à force d’être conservateur qu’il fut révolutionnaire, au nom de la modération, de la correction, de la prudence et même de la timidité. En politique, sa passion de l’ordre le rendait impuissant à comprendre les guerres civiles de son temps. Ce royalisme aveuglément dévoué fut même, croyons-nous, un des seuls sentiments profonds de sa nature, en même temps qu’une des sources les plus pures de son inspiration poétique.

Au mois de janvier 1614, rapporte Gonrart, quand éclata, avec la révolte de Condé, la première guerre civile, « on parloit dans une grande Compagnie des désordres que causeroit cette guerre, et du tort qu’avoyent les mal-contens qui se joignoyent à M.  le Prince ; M.  de Malherbe, qui estoit présent, levant les yeux au Ciel, s’écria tout à coup : « bon Dieu ! où est ta fièvre, ta peste, ton mal caduc [l’épilepsie] ? qu’en fays tu que tu ne les envoyes à ces gens qui troublent l’Estat ! »

Racan, qui avait entendu ce mot, jugea prudent