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LA MÉTHODE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE

Villemain, dans ses brillants tableaux, tint compte largement de l’histoire de la société. Mais c’est Sainte-Beuve qui, à notre sens, signala avec le plus de finesse et le plus de tact les sources historiques et surtout personnelles d’une œuvre d’art littéraire. Sans théorie tapageuse, cherchant avec son bon sens avisé à appliquer son idée neuve, après maints tâtonnements, que M. G. Michaut nous a si bien déduits[1], il a donné l’inimitable galerie des Lundis, où il n’a point substitué, comme on l’a dit, l’étude des écrivains à celle des œuvres, mais accompagné l’une par l’autre : nous avons analysé, en commençant, la savante marche littéraire par échelons biographiques, qui est proprement sa manière.

En inaugurant cette méthode pleine du « charme » qu’il sentait bien, Sainte-Beuve avait compris à merveille qu’elle réalisait par surcroît son tout féminin désir de plaire, qui fut l’un des traits essentiels de sa nature. Puisqu’il avait formé l’entreprise hardie et contestable de faire descendre la critique littéraire érudite des ouvrages spéciaux et des chaires d’enseignement supérieur dans la presse quotidienne, rien ne la pouvait mieux favoriser : le grand public se lasse, en effet, très vite des questions d’art pur, il est friand, en revanche, des traits de biographie, qui rafraîchissent son attention, nous l’avons vu, piquent

  1. Sainte-Beuve avant les « Lundis ». Essai sur la formation de son esprit et de sa méthode critique. Thèse de doctorat ès lettres, 735 pages. Paris, A. Fontemoing, 1903.