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LA MÉTHODE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE

ouvrir devant tous les entrailles » et en « faire l’autopsie[1] ».

Cette résolution de largeur d’idées une fois prise et fidèlement tenue et ces précautions sévèrement gardées, quel profit n’y a-t-il point pour un critique, étant donnés, d’un côté, une œuvre et, de l’autre, son point de départ, à mesurer exactement le chemin parcouru de l’un à l’autre, en repassant par les mêmes étapes que l’auteur ; à refaire en partie le labeur auquel s’était livré celui-ci, jugeant du travail artistique non plus par le dehors, mais bien par l’intérieur ; en un mot, et ce n’est guère trop dire, à recréer le livre à son tour. Alors on le possède entièrement, alors on le connaît presque aussi bien que l’auteur, parce que, avant de le repenser avec lui, avec lui on l’a revécu, tout comme si, nouveau Diable Boiteux, l’on pénétrait, perçant le temps et les murailles, dans l’atelier, dans le cœur et dans le cerveau de l’artiste.

Ainsi, pour reprendre les exemples objectés, l’on comprendra certes mieux la sentimentalité débordante du Lac quand on connaîtra et la jeune poitrinaire sentimentale, et les molles rives du lac du Bourget, qui l’ont inspiré. L’on retrouvera dans les Nuits les notes chaudes et pittoresques des campagnes et des cités italiennes, et dans les Châtiments l’âpre écho de la colère personnelle de l’exilé. Mais il demeure entendu que l’analyse détaillée et minutieuse se reformera ensuite en une

  1. Notes et Pensées. Causeries du lundi, t. XI, p. 522 et 461.