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LE THÉATRE DE LA CRUAUTÉ

vie, des faits, des préoccupations actuelles… De l’actualité et des événements, oui ! Des préoccupations dans ce qu’elles ont de profond et qui est l’apanage de quelques-uns, non ! Et, dans le Zohar l’histoire de Rabbi-Siméon qui brûle comme le feu, est actuelle comme le feu.

Les Œuvres : Nous ne jouerons pas de pièce écrite, mais autour de thèmes, de faits ou d’œuvres connus, nous tenterons des essais de mise en scène directe. La nature et la disposition même de la salle exigent le spectacle et il n’est pas de thème, si vaste soit-il, qui puisse nous être interdit.

Spectacle : Il y a une idée du spectacle intégral à faire renaître. Le problème est de faire parler, de nourrir et de meubler l’espace : comme des mines introduites dans une muraille de roches planes et qui feraient naître tout à coup des geysers et des bouquets.

L’Acteur : L’acteur est à la fois un élément de première importance, puisque c’est de l’efficacité de son jeu que dépend la réussite du spectacle et une sorte d’élément passif et neutre puisque toute initiative personnelle lui est rigoureusement refusée. C’est d’ailleurs un domaine où il n’est pas de règle précise : et entre l’acteur à qui on demande une simple qualité de sanglot et celui qui doit prononcer un discours avec ses qualités de persuasion personnelles, il y a toute la marge qui sépare un homme d’un instrument.

L’Interprétation : Le spectacle sera chiffré d’un bout à l’autre comme un langage. C’est ainsi qu’il n’y aura pas de mouvement perdu, que tous les mouvements obéiront à un rythme ; et que chaque personnage étant typé à l’extrême, sa gesticulation, sa physionomie, son costume apparaîtront comme autant de traits de lumière.

Le Cinéma : À la visualisation grossière de ce qui est, le théâtre par la poésie oppose les images de ce qui n’est pas. D’ailleurs au point de vue de l’action on ne peut comparer une image de cinéma qui, si poétique soit-elle,