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Page:Artaud - Le théâtre et son double - 1938.djvu/11

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PRÉFACE

de nos actes, au lieu d’identifier nos actes à nos pensées.

Si notre vie manque de soufre, c’est-à-dire d’une constante magie, c’est qu’il nous plaît de regarder nos actes et de nous perdre en considérations sur les formes rêvées de nos actes, au lieu d’être poussés par eux.

Et cette faculté est humaine exclusivement. Je dirai même que c’est cette infection de l’humain qui nous gâte des idées qui auraient dû demeurer divines ; car loin de croire le surnaturel, le divin inventés par l’homme je pense que c’est l’intervention millénaire de l’homme qui a finit par nous corrompre le divin.

Toutes nos idées sur la vie sont à reprendre à une époque où rien n’adhère plus à la vie. Et cette pénible scission est cause que les choses se vengent, et la poésie qui n’est plus en nous et que nous ne parvenons plus à retrouver dans les choses ressort, tout à coup, par le mauvais côté des choses ; et jamais on n’aura vu tant de crimes, dont la bizarrerie gratuite ne s’explique que par notre impuissance à posséder la vie.

Si le théâtre est fait pour permettre à nos refoulements de prendre vie, une sorte d’atroce poésie s’exprime par des actes bizarres où les altérations du fait de vivre démontrent que l’intensité de la vie est intacte, et qu’il suffirait de la mieux diriger.

Mais si fort que nous réclamions la magie, nous avons peur au fond d’une vie qui se développerait tout entière sous le signe de la vraie magie.

C’est ainsi que notre absence enracinée de culture s’étonne de certaines grandioses anomalies et que par exemple dans une île sans aucun contact avec la civilisation actuelle le simple passage d’un navire qui ne contient que des gens bien portants puisse provoquer l’apparition de maladies inconnues dans cette île et qui sont une spécialité de nos pays : zona, influenza, grippe, rhumatismes, sinusite, polynévrite, etc…, etc…

Et de même si nous pensons que les nègres sentent