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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

IX

LETTRES SUR LA CRUAUTÉ

PREMIÈRE LETTRE

Paris, 13 septembre 1932.
À J. P.
Cher ami,

Je ne puis vous donner sur mon Manifeste des précisions qui risqueraient d’en déflorer l’accent. Tout ce que je peux faire c’est de commenter provisoirement mon titre de Théâtre de la Cruauté et d’essayer d’en justifier le choix.

Il ne s’agit dans cette Cruauté ni de sadisme ni de sang, du moins pas de façon exclusive.

Je ne cultive pas systématiquement l’horreur. Ce mot de cruauté doit être pris dans un sens large, et non dans le sens matériel et rapace qui lui est prêté habituellement. Et je revendique, ce faisant, le droit de briser avec le sens usuel du langage, de rompre une bonne fois l’armature, de faire sauter le carcan, d’en revenir enfin aux origines étymologiques de la langue qui à travers des concepts abstraits évoquent toujours une notion concrète.

On peut très bien imaginer une cruauté pure, sans