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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

vaut que comme un moyen parmi tant d’autres. Et en faire sur la scène un but, c’est s’abstenir de se servir de la scène, comme quelqu’un qui aurait les pyramides pour y loger le cadavre d’un pharaon et qui, sous prétexte que le cadavre du pharaon tient dans une niche, se contenterait de la niche, et ferait sauter les pyramides.

Il ferait sauter en même temps tout le système philosophique et magique dont la niche n’est que le point de départ et le cadavre la condition.

D’autre part le metteur en scène qui soigne son décor au détriment du texte a tort, moins tort peut-être que le critique qui incrimine son souci exclusif de mise en scène.

Car en soignant la mise en scène qui est dans une pièce de théâtre la partie véritablement et spécifiquement théâtrale du spectacle, le metteur en scène demeure dans la ligne vraie du théâtre qui est affaire de réalisation. Mais les uns et les autres jouent sur les mots ; car si le terme de mise en scène a pris avec l’usage ce sens dépréciatif, c’est affaire à notre conception européenne du théâtre qui donne le pas au langage articulé sur tous les autres moyens de représentation.

Il n’est pas absolument prouvé que le langage des mots soit le meilleur possible. Et il semble que sur la scène qui est avant tout un espace à remplir et un endroit où il se passe quelque chose, le langage des mots doive céder la place au langage par signes dont l’aspect objectif est-ce qui nous frappe immédiatement le mieux.

Considéré sous cet angle le travail objectif de la mise en scène reprend une sorte de dignité intellectuelle du fait de l’effacement des mots derrière les gestes, et du fait que la partie plastique et esthétique du théâtre abandonne son caractère d’intermède décoratif pour devenir au propre sens du mot un langage directement communicatif.

En d’autres termes, s’il est vrai que dans une pièce