Or le totémisme est acteur car il bouge, et il est fait pour des acteurs ; et toute vraie culture s’appuie sur les moyens barbares et primitifs du totémisme, dont je veux adorer la vie sauvage, c’est-à-dire entièrement spontanée.
Ce qui nous a perdu la culture, c’est notre idée occidentale de l’art et le profit que nous en retirons. Art et culture ne peuvent aller d’accord, contrairement à l’usage qui en est fait universellement !
La vraie culture agit par son exaltation et par sa force, et l’idéal européen de l’art vise à jeter l’esprit dans une attitude séparée de la force et qui assiste à son exaltation. C’est une idée paresseuse, inutile, et qui engendre, à bref délai, la mort. Les tours multiples du Serpent Quetzalcoatl, s’ils sont harmonieux, c’est qu’ils expriment l’équilibre et les détours d’une force dormante ; et l’intensité des formes n’est là que pour séduire et capter une force qui, en musique, éveille un déchirant clavier.
Les dieux qui dorment dans les Musées : le dieu du Feu avec sa cassolette qui ressemble au trépied de l’Inquisition ; Tlaloc l’un des multiples dieux des Eaux, à la muraille de granit verte ; la Déesse Mère des Eaux, la Déesse Mère des Fleurs ; l’expression immuable et qui sonne, sous le couvert de plusieurs étages d’eau, de la Déesse à la robe de jade verte ; l’expression transportée et bienheureuse, le visage crépitant d’aromes, où les atomes du soleil tournent en rond, de la Déesse Mère des Fleurs ; cette espèce de servitude obligée d’un monde où la pierre s’anime parce qu’elle a été frappée comme il faut, le monde des civilisés organiques, je veux dire dont les organes vitaux aussi sortent de leur repos, ce monde humain entre en nous, il participe à la danse des dieux, sans se retourner ni regarder en arrière, sous peine de devenir, comme nous-mêmes, des statues effritées de sel.