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LE THÉATRE DE LA CRUAUTÉ

formes précises de civilisation. Elle oppose la tyrannique anarchie des colonisateurs à la profonde harmonie morale des futurs colonisés.

Ensuite, en face du désordre de la monarchie européenne de l’époque, basée sur les principes matériels les plus injustes et les plus épais, elle éclaire la hiérarchie organique de la monarchie aztèque établie sur d’indiscutables principes spirituels.

Du point de vue social, elle montre la paix d’une société qui savait donner à manger à tout le monde, et où la Révolution était, depuis les origines, accomplie.

De ce heurt du désordre moral et de l’anarchie catholique avec l’ordre païen, elle peut faire jaillir des conflagrations inouïes de forces et d’images, semées de-ci de-là de dialogues brutaux. Et ceci par des luttes d’homme à homme portant en eux comme des stigmates les idées les plus opposées.

Le fond moral et l’intérêt d’actualité d’un tel spectacle étant suffisamment soulignés, on insistera sur la valeur spectaculaire des conflits qu’il veut mettre en scène.

Il y a d’abord les luttes intérieures de Montézuma, le roi déchiré, sur les mobiles duquel l’histoire s’est montrée incapable de nous éclairer.

On montrera de façon picturale, objective, ses luttes et sa discussion symbolique avec les mythes visuels de l’astrologie.

Enfin, en dehors de Montézuma, il y a la foule, les couches diverses de la société, la révolte du peuple contre le destin, représenté par Montézuma, les clameurs des incrédules, les arguties des philosophes et des prêtres, les lamentations des poètes, la trahison des commerçants et des bourgeois, la duplicité et la veulerie sexuelle des femmes.

L’esprit des foules, le souffle des événements se déplaceront en ondes matérielles sur le spectacle, fixant de-ci de-là certaines lignes de force, et sur ces ondes, la