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Page:Artaud - Le théâtre et son double - 1938.djvu/142

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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

des passions des bases organiques analogues, elles ont les mêmes point physiques de sustentation.

Avec pourtant ce nouveau correctif qu’ici le mouvement est inverse et qu’en ce qui concerne par exemple la question du souffle, là où chez l’acteur le corps est appuyé par le souffle, chez le lutteur, chez l’athlète physique c’est le souffle qui s’appuie sur le corps.

Cette question du souffle est en effet primordiale ; elle est en rapport inverse avec l’importance du jeu extérieur.

Plus le jeu est sobre et rentré, plus le souffle est large et dense, substantiel, surchargé de reflets.

Alors qu’à un jeu emporté, volumineux, et qui s’extériorise correspond un souffle aux lames courtes et écrasées.

Il est certain qu’à chaque sentiment, à chaque mouvement de l’esprit, à chaque bondissement de l’affectivité humaine correspond un souffle qui lui appartient.

Or les temps du souffle ont un nom que nous enseigne la Kabbale ; c’est eux qui donnent au cœur humain sa forme ; et leur sexe aux mouvements des passions.

L’acteur n’est qu’un empirique grossier, un rebouteux qu’un instinct mal diffusé guide.

Pourtant il ne s’agit pas quoi qu’on en pense de lui apprendre à déraisonner.

Il s’agit d’en finir avec cette espèce d’ignorance hagarde au milieu de laquelle tout le théâtre contemporain avance, comme au milieu d’une ombre, où il ne cesse pas de trébucher. L’acteur doué trouve dans son instinct de quoi capter et faire rayonner certaines forces ; mais ces forces qui ont leur trajet matériel d’organes et dans les organes, on l’étonnerait fort si on lui révélait qu’elles existent car il n’a jamais pensé qu’elles aient pu un jour exister.

Pour se servir de son affectivité comme le lutteur utilise sa musculature, il faut voir l’être humain comme un