des seules vérités qui comptent, et mettent l’action du théâtre comme celle de la peste sur le plan d’une véritable épidémie.
Là où les images de la peste en relation avec un état puissant de désorganisation physique sont comme les dernières fusées d’une force spirituelle qui s’épuise, les images de la poésie au théâtre sont une force spirituelle qui commence sa trajectoire dans le sensible et se passe de la réalité. Une fois lancé dans sa fureur, il faut infiniment plus de vertu à l’acteur pour s’empêcher de commettre un crime qu’il ne faut de courage à l’assassin pour parvenir à exécuter le sien, et c’est ici que, dans sa gratuité, l’action d’un sentiment au théâtre, apparaît comme quelque chose d’infiniment plus valable que celle d’un sentiment réalisé.
En face de la fureur de l’assassin qui s’épuise, celle de l’acteur tragique demeure dans un cercle pur et fermé. La fureur de l’assassin a accompli un acte, elle se décharge et perd le contact d’avec la force qui l’inspire, mais ne l’alimentera plus désormais. Elle a pris une forme, celle de l’acteur, qui se nie à mesure qu’elle se dégage, se fond dans l’universalité.
Si l’on veut bien admettre maintenant cette image spirituelle de la peste, on considérera les humeurs troublées du pesteux comme la face solidifiée et matérielle d’un désordre qui, sur d’autres plans, équivaut aux conflits, aux luttes, aux cataclysmes et aux débâcles que nous apportent les événements. Et de même qu’il n’est pas impossible que le désespoir inutilisé et les cris d’un aliéné dans un asile, ne soient cause de peste, par une sorte de réversibilité de sentiments et d’images, de même on peut bien admettre que les événements, extérieurs, les conflits politiques, les cataclysmes naturels, l’ordre de la révolution et le désordre de la guerre, en passant sur le plan du théâtre se déchargent dans la sensibilité de qui les regarde avec la force d’une épidémie.