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SUR LE THÉATRE BALINAIS

Satisfaction intégrale de ces gestes de danse, de ces pieds tournants qui mélangent des états d’âmes, de ces petites mains volantes, de ces tapotements secs et précis.

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Nous assistons à une alchimie mentale qui d’un état d’esprit fait un geste, et le geste sec dépouillé, linéaire que tous nos actes pourraient avoir s’ils tendaient vers l’absolu.

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Il arrive que ce maniérisme, ce hiératisme excessif, avec son alphabet roulant, avec ses cris de pierres qui se fendent, avec ses bruits de branches, ses bruits de coupe et de roulements de bois composent dans l’air, dans l’espace, aussi bien visuel que sonore, une sorte de susurrement matériel et animé. Et au bout d’un instant l’identification magique est faite : nous savons que c’est nous qui parlions.

Qui, après la formidable bataille d’Adeorjana avec le Dragon, osera dire que tout le théâtre n’est pas sur la scène, c’est-à-dire hors des situations et des mots.

Les situations dramatiques et psychologiques ici ont passé dans la mimique même du combat, qui est fonction du jeu athlétique et mystique des corps, — et de l’utilisation, j’oserai dire ondulatoire, de la scène, dont l’énorme spirale se découvre plan par plan.

Les guerriers entrent dans la forêt mentale avec des roulements de peur ; un immense tressaillement, une volumineuse rotation comme magnétique s’emparent d’eux, où l’on sent que se précipitent des météores animaux où minéraux.

C’est plus qu’une tempête physique, c’est un concassement d’esprit que le tremblement épars de leurs membres et de leurs yeux roulants signifie. La fréquence sonore de leur tête hérissée est par moment atroce ; — et cette musique derrière eux qui se balance et en même temps