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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

veste fait dans la peinture ou au théâtre, et un geste fait par la lave dans le désastre d’un volcan, ou nous devons cesser de peindre, de clabauder, d’écrire et de faire quoi que ce soit.

Je propose d’en revenir au théâtre à cette idée élémentaire magique, reprise par la psychanalyse moderne, qui consiste pour obtenir la guérison d’un malade à lui faire prendre l’attitude extérieure de l’état auquel on voudrait le ramener.

Je propose de renoncer à cet empirisme des images que l’inconscient apporte au hasard et que l’on lance aussi au hasard en les appelant des images poétiques, donc hermétiques, comme si cette espèce de transe que la poésie apporte n’avait pas son retentissement dans la sensibilité entière, dans tous les nerfs, et comme si la poésie était une force vague et qui ne varie pas ses mouvements.

Je propose d’en revenir par le théâtre à une idée de la connaissance physique des images et des moyens de provoquer des transes, comme la médecine chinoise connaît sur toute l’étendue de l’anatomie humaine les points qu’on pique et qui régissent jusqu’aux plus subtiles fonctions.

Pour qui a oublié le pouvoir communicatif et le mimétisme magique d’un geste, le théâtre peut le lui réapprendre, parce qu’un geste porte avec lui sa force, et qu’il y a tout de même des êtres humains au théâtre pour manifester la force du geste que l’on fait.

Faire de l’art c’est priver un geste de son retentissement dans l’organisme, et ce retentissement si le geste est fait dans les conditions et avec la force requise, invite l’organisme et, par lui, l’individualité entière, à prendre des attitudes conformes au geste qui est fait.

Le théâtre est le seul endroit au monde et le dernier moyen d’ensemble qui nous reste d’atteindre directement l’organisme, et dans les périodes de névrose et de sen-