— Que je voudrais vivre ainsi ! disait-il à Clary ; ces gens ont le calme, la sécurité, l’abondance, ils sont heureux.
— Ce rêve n’est pas tout à fait irréalisable, répondit O’Warn en souriant.
— Comment donc ?
— Lizzy est une honnête fille et une parfaite ménagère, son mari ne sera pas à plaindre, je crois.
— Ne plaisantez pas sur ce sujet, Clary, vous savez que mon cœur ne m’appartient plus, je ne pourrais aimer une autre femme que Colette.
— Cependant elle va se marier dans quinze jours, vous êtes bien forcé d’y renoncer.
— Je continuerai quand même à l’aimer.
Tomy n’avait que vingt ans, âge des généreuses illusions, il croyait à la constance inébranlable des sentiments humains ; il ne supposait pas qu’un autre amour pût jamais remplacer celui qu’il éprouvait pour Colette.
Clary regardait mélancoliquement le vaste Océan dont la surface mobile a souvent été prise par le poète comme l’image de l’instabilité du cœur de l’homme. Sa pensée l’entraînait par delà l’immensité, vers d’autres horizons de liberté, de bonheur.
— Comptez-vous vivre toujours dans la montagne, Clary ? lui demanda le jeune Podgey.
— Oui, je me tiens prêt pour le jour où l’Irlande secouant encore une fois le joug qui l’écrase essaiera de ressaisir son indépendance ; le dernier des O’Warn doit son sang à son pays, il ne faillira pas à son devoir, mais vous, Tomy, qui n’avez pas à soutenir un grand nom, pourquoi restez-vous dans une position si peu conforme à vos goûts ?
— Je n’en puis sortir.
— Savez-vous à quoi je pensais ? Le capitaine me disait que dans deux mois il toucherait les côtes de