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gande religieuse, sa grande mollesse l’empêchait de la pousser très activement, le zèle ne l’animait guère ; il jouissait des avantages que lui procurait son ministère et, en vertu du libre examen, il laissait chacun chercher sa voie. En raison de ce caractère apathique, les habitants de Greenish n’étaient pas trop tourmentés par le prosélytisme religieux. Le pasteur catholique, homme austère, zélé, charitable, en profitait pour exercer son pieux apostolat ; il consolait les malheureux, soulageait les misères, personne ne lui disputait ce droit sublime. Quand le ministre anglican, étendu sur les coussins de sa calèche, passait près de l’humble prêtre qui se rendait à pied chez les malades, il souriait de dédain à la vue de cet homme simple, sans famille, sans richesses, n’ayant d’autres joies que la satisfaction du devoir accompli et les bénédictions de ses semblables ; ne comprenant pas la grandeur du sacerdoce, n’aspirant pas aux ineffables et éternelles jouissances de l’amour divin, il se jugeait un esprit pratique, fort supérieur eux catholiques qui l’entouraient. Comme beaucoup de protestants, sans l’avouer hautement, il se disait tout bas : Je ne sais si ma religion est la meilleure, mais à coup sûr, elle est la plus commode.

William eut quelque peine à se faire recevoir du Révérend.

— Que désirez-vous, mon ami ? demanda sir Welson d’un ton empreint de bonhomie, on vous a fait attendre, c’est le résultat des grandes occupations qui m’absorbent, car personne n’ignore que je suis d’un accès facile et que j’accueille sans distinction toutes les réclamations de mes administrés. Sa Seigneurie a daigné plus d’une fois louer mon zèle : comme magistrat, je n’épargne pas mes fatigues pour rendre à tous une justice égale ; tandis que, pasteur des âmes, j’use mes forces dans les durs labeurs de mon difficile ministère,