fois William ; les traitements injustes qu’on faisait subir à sa petite sœur révoltaient son bon cœur.
— Tais-toi, lourdaud, criait la mère en lui allongeant un soufflet retentissant.
L’aisance qui régnait dans la chaumière à l’époque de la naissance de Ketty ne dura pas longtemps, les privations revinrent bientôt, les beaux meubles de chêne donnés par milady disparurent l’un après l’autre ; la batterie de cuisine, la vaisselle, le linge suivirent la même voie ; un an plus tard, la chaumière avait repris l’air pauvre et délabré que nous lui avons vu au commencement de ce récit ; le sol de la cour, défoncé par les pluies, était redevenu un bourbier où picotaient quelques volailles.
Il ne restait rien du beau rêve d’un jour qu’une immense déception, un chagrin qui aigrissait les caractères et une haine toujours grandissante contre la pauvre Ketty.
Willy s’adonnait à la boisson, sa femme devenait de plus en plus hargneuse ; Tomy, d’un caractère sombre et concentré, souffrait vivement d’une situation dont son âge lui permettait mieux de comprendre la tristesse ; il devenait dur, intraitable, son visage autrefois beau et ouvert avait pris une expression taciturne qui en enlevait tout le charme.
Tomy avait aujourd’hui vingt ans, il était grand, fort, énergique ; l’exploitation de son père ne suffisant pas à faire vivre une nombreuse famille, le jeune homme devait songer à se créer une position. Il allait en journée chez des fermiers voisins, mais ceux-ci n’étaient guère plus riches que Willy et l’ouvrage manquait souvent.
On connait la position déplorable du paysan irlandais ; déshérité des libertés et du bien-être accordés aux autres habitants des États Britanniques, le malheureux tenancier, rançonné par des maîtres très durs, sans sé-