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Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/27

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— Un shilling, mon fils, c’est peu, mais les marchands sont encombrés de propositions.

— Ma belle veste bleue pour un shilling, gémit Tomy, mon Dieu, mon Dieu !

— Mère, il eût mieux valu vendre le chapeau que m’a donné mon parrain, dit William.

— Hélas ! mon pauvre enfant, ton chapeau ne nous appartient plus depuis un mois.

Un silence douloureux régna dans la chaumière.

Willy Podgey, morne, consterné, regardait fixement le sol. Les enfants pleuraient.

Tomy, sans dire un mot, repoussa les objets que Susy avait si soigneusement préparés et qu’elle considérait avec désespoir.

— Merci, ma sœur, fit-il tristement.

Passant sa blouse de travail, il enfonça sur ses yeux son vieux chapeau aux bords déchirés et sortit.

Tomy marcha, sombre et agité, jusqu’à l’entrée de la route ; là, se laissant tomber sur l’herbe du fossé, il se mit à pleurer.

Ses poings crispés semblaient maudire le sort qui l’accablait, l’inexorable misère l’enserrait de ses griffes sanglantes et lui arrachait des cris et des imprécations.

À la ferme de Patrick, on était déjà réuni ; Colette gaie et pimpante, appuyée au bras du beau William Pody, lui prodiguait ses sourires et ses joyeux propos.

Penserait-elle au malheureux qui ne regrettait la fête que pour elle ?

Fatalité d’être si pauvre ! Pas de jeunesse, pas d’amour ! le malheur, voilà son lot.

Tomy pleura longtemps, puis, pour secouer son chagrin, il se rendit à son ouvrage ; triste et taciturne, il travailla tout le jour en silence, ses compagnons ne purent obtenir de lui une parole.

Le soir, en rentrant au logis, il entendit un bruit de voix dans le chemin ; pensant que c’étaient des gens qui