C’est à ces boutiques que la plupart des paysans irlandais achètent les loques qui les couvrent à peine, bien peu, même en leurs plus beaux jours, ont[illisible] porté des vêtements neufs.
Il y avait aussi des salles de bal et des cabarets où de nombreux consommateurs savouraient le whiskey, cette chère liqueur nationale dans laquelle l’Irlandais noie sa misère et ses chagrins en les aggravant. De vieilles femmes, au visage bourgeonné et au nez rougi par un fréquent usage du whiskey, faisaient frire des poudings et des rissoles de porcs sur des fourneaux en plein vent. Autour d’elles beaucoup de curieux regardaient avidement en fouillant leurs poches vides.
Quelques constables, le fusil sur l’épaule, veillaient au bon ordre, tandis que le sergent recruteur, précédé d’un jeune garçon qui battait la marche sur un tambour à demi crevé, promenait triomphalement un grand diable en haillons, couvert de rubans, qu’il avait enivré la veille pour l’enrôler ; ce brillant spectacle avait pour but de représenter le bonheur de la vie militaire.
Tomy s’était rendu au marché sachant bien y rencontrer Colette ; depuis quelques jours il passait chaque soir devant la petite prairie où la jeune fille gardait ses vaches, mais sa sœur Mary la remplaçait ; Colette semblait éviter la présence de Tomy.
Le père de Colette était un petit fermier guère plus riche que les Podgey, seulement sa famille était moins nombreuse et, grâce aux pâturages qui lui permettaient de nourrir plusieurs vaches et des moutons, il ne sentait pas trop la misère et payait à peu près exactement son fermage.
Colette avait donc un sort digne d’envie parmi les autres jeunes filles du pays. Ce qui excitait toujours la jalousie de ses compagnes, c’était le bruit de son mariage avec William Pody.
William, fils d’un très petit tenancier, avait un par-