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Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/55

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— Je vois avec plaisir que la linotte de Greenish n’a rien perdu de sa joyeuse humeur.

— Pourquoi serais-je triste ?

— Sans doute, vous êtes heureuse.

— Heureuse ! je ne sais pas, enfin je n’ai pas trop à me plaindre.

— Colette, dit résolûment le jeune homme, est-il vrai que vous épousiez William Pody ?

— Qui vous l’a dit ?

— Tout le monde en parlait aujourd’hui au village.

— On parle de tant de choses au village.

— Cependant le jour de la noce de Patrick…

— Vous n’y étiez pas, Tomy, vous ignorez ce qui s’est passé.

— Je sais que William a l’approbation de votre père.

— Oui, mais il n’a peut-être pas la mienne.

— Est-ce vrai ?

— Malgré ma tête de linotte, Tomy, je réfléchis.

— William est riche ! soupira le jeune homme.

— Oui, répondit Colette.

— Vous tenez beaucoup à être riche ? demanda Tomy.

— Ce n’est pas à dédaigner ; je ne consentirais pas à entrer en ménage pour avoir la misérable existence des paddies qui nous entourent ; les privations, la faim, les guenilles et après tout cela l’expulsion.

Tomy, reprit la jeune fille d’une voix plus grave, est-il vrai que votre famille soit menacée d’un sort si cruel ?

— Oui, c’est vrai.

— Pauvres gens, fit Colette, que deviendrez-vous ?

— Mes parents émigreront en Australie, on leur fait des offres très avantageuses.

— C’est bien le mieux, et vous, Tomy, vous irez aussi ?

— Si vous vouliez, Colette, je resterais.

La jeune fille se mit à rire.

— Moi, vous empêcher de suivre vos parents, de profiter des seules chances d’avenir qui se présentent à