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J’ai déjà fait avec le 22e (auquel je suis attaché pour trois mois à fin d’instruction) j’ai déjà fait deux trous de tranchées, qui ont duré l’un quatre jours et l’autre six. Durant ces dix jours, j’ai vu peu d’Anglais, presque pas de Français, et pas un seul Allemand. Les Français sont comme les Hébreux sur le fameux tableau ; ils sont passés. On dit qu’il y a à droite et à gauche de notre corps d’armée beaucoup d’Anglais ; mais vivant de part et d’autre comme des taupes, nous ne nous voyons jamais. Le terrain tout autour de nous est hérissé de canons ; du moins il doit y en avoir et des masses, car à toute heure du jour on ne peut faire un pas sans qu’ils fassent trembler le sol autour de nous. Mais comme nous circulons par les tranchées, que les canons doivent forcément tirer de plus haut, qu’ils s’installent la nuit et qu’il serait malsain de monter les interviewer, il peut s’écouler des semaines sans qu’on en voie un seul. De fait, je n’en ai pas vu un seul. Quant aux Allemands, ceux de nos hommes qui passent des journées entières à trente mètres d’eux, les yeux rivés à un périscope, voient parfois le sommet d’un casque à pointe sautiller comme un rat sur la crête de leur parapet, mais la chose est rare ; on se fusille, on se bombarde, sans se voir ; les patrouilles qui se rencontrent la nuit se lancent des grenades à tâtons, sur leurs ombres respectives. Ou plutôt oui, l’on se voit. Chaque commandant de peloton, chaque sergent de section, sait même exactement ce qu’il y a devant lui ; où l’ennemi veille et où il dort ; où sont ses cuisines, ses bureaux, ses dépôts d’armes et de matériaux. Mais tout le monde voit par le même organe, qui est l’avion. L’observateur d’aviation ne redescend jamais de l’air sans apporter avec lui des photographies où l’œil exercé de l’officier-chef de bataillon, chef de compagnie, simple lieutenant (celui-ci généralement moins expérimenté), — sait discerner, par la distribution des ombres et de la lumière, les tranchées, les bouches de tunnel, l’entrée des gourbis et le reste. Le supérieur transcrit pour l’inférieur le secteur au bout du secteur qui l’intéresse, de manière que chacun, en