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pas toujours une preuve de prospérité. Il est même difficile qu’il ne soit pas une preuve de désordre et de misère. » Montesquieu était convaincu que « dans tous les temps ceux qui négocieraient aux Indes y porteraient de l’argent et n’en rapporterait pas. » Et d’Argenson, l’intègre d’Argenson, allait jusqu’à déclarer que « pour une tête d’épingle il donnerait toutes les colonies de la France, » ce qui, malgré une certaine analogie avec les vues exprimées un siècle plus tard par l’école libérale anglaise, était vraiment excessif. Aussi Louis XV ne tenait-il au Canada que par raison stratégique. Mais les hommes politiques anglais de l’époque montrèrent-ils plus de clairvoyance ? L’abbé Groulx note à la page 81 des Lendemains de conquête : « Nous avons peine à comprendre aujourd’hui pareil état d’esprit. Et pourtant la première attitude des vainqueurs n’en a pas moins été un manque de foi en l’avenir de la race anglo-saxonne au Canada. Une brochure publiée à Londres en 1759 combattait l’acquisition de la Nouvelle-France en agitant le péril d’un dépeuplement de l’Angleterre. Ces craintes n’avaient pas cessé au temps de Carleton, qui se montrait encore plus pessimiste. Il croyait si profond et si vigoureux l’enracinement de la race canadienne que, sauf dans les villes de Québec et de Montréal, tout autre élément lui paraissait voué à l’absorption. » Le publiciste William Burke proposait aux diplomates britanniques de garder l’île de la Guadeloupe de préfé-