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singularité — car c’en est une en histoire — est frappante surtout dans la Confédération, où la tentation dut être si grande d’habiller un peu, fût-ce des oripeaux de la rhétorique, de falots personnages dont les plus considérables, bâtisseurs de baraquements provisoires pour troupeaux humains désorientés, ont commencé depuis longtemps à s’estomper sous leur foncière insignifiance. Mais qu’au cours de ses recherches il voie poindre à un tournant du Mississipi, dans l’or du couchant, la proue d’un canot français, et soudain, sans effort, sa plume nerveuse, merveilleux instrument de notation, qui vient de nous montrer en phrases pressées, haletantes, les terribles conséquences de la dispersion pour la colonie nouvelle, amplifie son mouvement, s’élève au rythme héroïque, pour fixer en quelques traits l’image de notre aïeul le découvreur, baptisé par un écrivain américain « conquérant sans armée, navigateur sans navire, commerçant sans richesse et savant géographe sans boussole » :

Par toutes les routes fluviales, dit-il, par tous les « chemins qui marchent, » du nord au sud, de l’est à l’ouest, s’en vont les grands canots à la proue vaillante, surmontés de pourpoints de cuir et de larges feutres, porteurs de conquérants. L’on part pour un an, deux ans, trois ans, l’on fuit cinq cents, six cents lieues, et ce n’est qu’un jeu. La gloire est aux intrépides, aux gars plus hardis qui vont plus loin que les autres, découvrent de nouvelles rivières, des nations inconnues. Quelques-uns qui sont allés courir dans le nord polaire, sur les rivières encombrées de glaces, se retrouvent un an plus tard dans des paysages où ondulent les cannes et les cotonniers. Leur « nef »