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l’apparence de morceaux de bravoure, chez lui pas une ligne — sauf peut-être dans les Rapaillages — qui ne porte la marque du naturel. Jusqu’à ces négligences de grammaire ou de composition que nous venons de noter ensemble, tout accuse le rythme normal et spontané de la pensée et du sentiment.

Vanterai-je aussi sa clarté et sa concision dans le maniement des faits, son aisance dans l’expression des idées générales ?

J’ai déjà cité longuement. Pour illustrer cette dernière qualité, et en même temps pour permettre à M. Groulx de vous dire lui-même en passant comment il entend le régionalisme intellectuel, nous lirons encore cette page, qui clôt le livre de Nos ancêtres :

Les sociologues ne trouveraient-ils point charme et profit à monographier, comme M. Léon Gérin l’a commencé, en de magistrales études, ce type de société presque cloîtrée, société paternelle et paroissiale, qui ne s’est développée dans le Nouveau-Monde qu’en empruntant à elle-même, à son milieu géographique, à ses hérédités paysannes, françaises et chrétiennes ? Dans ces petites collectivités baptisées, pratiquant les sacrements et la prière en commun, groupées autour de leur église qui a reçu chacun de leurs membres sur les fonts baptismaux, qui a vu devant son autel s’échanger l’anneau des fiançailles, qui garde autour d’elle les tombes des ancêtres, où l’égalité de fortune, de soucis et de labeurs s’incline et s’ordonne sous l’autorité du prêtre qui est celle de la religion et de la morale, les sociologues trouveraient peut-être la démocratie sans phrases, avec les freins qui la conditionnent, avec la discipline qui crée de l’ordre et de l’avenir.

L’état social des vieux Acadiens a tenté les méditations de Raynal, de Rameau et de bien d’autres. Pourquoi notre vieille société de la Nouvelle-France n’aurait-elle point parmi nous ses admirateurs qui deviendraient