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DE NOS BESOINS INTELLECTUELS

découverte aux Américains de Toronto et aux Bolchevistes de Winnipeg ! Nous qui avons encore le sens du ridicule, nous ne voulons pas qu’on livre à la risée du monde une ville aux trois-quarts française. S’il le faut, nous soulèverons la ville et la province contre vous ; nous saboterons le service, s’il le faut ; mais nous ne permettrons pas à votre fantaisie de parvenus ignares de nous infliger le « Secteur Calumet » !

On nous presse de souscrire à un monument qui sera érigé, au prix de $150,000, sous la direction et d’après les données d’hommes d’affaires respectables, certes, mais incapables, avec leur degré d’instruction générale (ne parlons pas de leur éducation artistique) de distinguer un Rodin d’un « navet » ? — Canadiens-Français, on vous a dit et répété sur tous les tons que vous représentez sur ce continent le culte traditionnel de la Beauté. C’est le temps ou jamais de montrer qu’au moins vous n’êtes pas des sauvages : pour le colossal « navet » qu’on vous prépare, pas un pouce de terrain sur vos places publiques, et surtout, pas un sou !

Voilà, oui, voilà des gestes pour l’amour desquels je pardonnerais bien des fautes d’omission à l’Action française. Et je crains fort que cette attitude — qui n’est pourtant que l’aboutissement pratique des tendances de toute ma vie — ne m’attire demain cette épithète de « francisson » que les plus encroûtés partisans de notre indigénisme intellectuel jettent à la tête de tous ceux indistinctement qui à un titre quelconque et pour un motif quelconque travaillent à la diffusion des idées françaises au Canada.

Mais pas plus aujourd’hui qu’hier je ne me sens en désaccord avec ceux de mes compatriotes qui ont étudié la question de nos besoins intellectuels au point de vue de la véritable culture française.