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pourquoi on aime la france

aussi dans les villes, et qu’au surplus nous n’échappons pas à la faiblesse très humaine qui consiste à toujours se croire meilleur qu’autrui, même quand en secret l’on s’accommode assez bien de ses vices, les Français eurent parfois — dans les journaux ou ailleurs, peu importe, — une mauvaise presse. Il y eut aussi vos lois républicaines de laïcisation. Pour de multiples raisons, je me garderai bien de les apprécier ici : et ces raisons ne sont peut-être pas toutes celles que vous croyez. Mais nous fûmes du coup reportés à l’époque où notre clergé chantait des Te Deum pour fêter la chute de Napoléon, héritier des principes de 89… Certes, quand je dis nous, il faut s’entendre. De tout temps il y eut chez nous, et dans le clergé comme ailleurs, des esprits assez éclairés pour savoir aimer la France indépendamment de ses formes de gouvernement et de ses préférences électorales. Le sentiment du peuple envers la France avant la guerre, c’était celui de paysans qui compteraient dans leur famille une grande actrice. Nous étions au fond très fiers de vous, mais vous nous scandalisiez. Et je ne suis pas sûr s’il n’entrait pas aussi dans nos âmes un peu d’envie, un peu de la jalousie du parent pauvre.

Ah ! que vos souffrances, que votre vaillance ont parlé éloquemment à notre cœur ! Du jour où il éclata aux yeux étonnés du monde que celle que, sur la foi de racontars intéressés, nous avions prise pour une grande cascadeuse, était, à tous les sens du mot, la plus brave des femmes, nous avons rougi de nous-mêmes, nous n’avons plus songé qu’à nous faire pardonner nos ridicules bouderies. Nous avons éprouvé, à l’égard de notre pays d’origine, cette transformation de sentiments que subit le voyageur qui connut Paris avant la guerre et qui le revoit aujourd’hui. Alors, la Française authentique était invisible. À moins de pouvoir pénétrer dans la famille, on eût passé des mois entiers à Paris sans voir d’autres femmes que celles de Montmartre ou de chez Maxim. Mais rien qu’à voir aujourd’hui partout — dans les ascenseurs, dans les tramways, dans le Métro — la figure souriante, patiente, ferme, intelligente et