de vous : « Au fond, c’est du ben bon monde. » Et comme, d’autre part, ils n’ont qu’à vous écouter pour entendre toute sorte de propos bellement malicieux, ils ajoutent, très souvent aussi : « C’est du monde ben fin. » On savait déjà que vous étiez « du monde ben fin ». Nul maintenant n’ignore que vous êtes en même temps, avec le plus bel attribut de la bonté, le courage, « du ben bon monde ». Ce sera le jugement définitif des peuples sur la France.
Et parce que vous êtes « du ben bon monde », c’est-à-dire des héros, « et du monde ben fin », c’est-à-dire des héros gais, spirituels, gardant jusque dans la mort une attitude de « galanterie », comme on disait au bon vieux temps, non seulement je déplore pour mon compte personnel de n’avoir pu réaliser qu’à moitié ce que j’avais ambitionné de faire pour la France, mais je suis sûr que, dans le terrible dilemme où les mettent, d’une part leur amour pour la France et leur fidélité véritable à cette Angleterre qui a partagé avec le monde la Grande Charte qu’elle avait arrachée à ses rois, et, de l’autre, leur souci presque maladif de l’intérêt canadien, les Canadiens-Français feront, à la cause sacrée pour laquelle vos fils moururent à la Marne et à Verdun, tous les sacrifices compatibles avec l’existence même de leur pays.
Depuis la Marne, grâce à vous ils n’ont plus des âmes de vaincus, ils marchent la tête plus haute, allégés d’un poids qui pesait sur eux depuis 1759 et qui s’était encore alourdi en 1870. Ce jour-là, vous les avez grandis et ennoblis dans leur propre estime ; je ne suis pas loin de dire : vous les avez sauvés. Ou je me trompe fort, ou ils sauront vous en être reconnaissants.
France pourra accueillir d’une âme égale les critiques qui lui viennent, sur ce point, d’un monde où le respect des parents s’en va de plus en plus, si toutefois il a jamais existé. « Vos solides vertus domestiques » j’ai dit cela de propos délibéré, et je m’y tiens. — O. A.
Imp. de Vaugirard. H. L. Motti, dir., 12-13, impasse Ronsin, Paris.