Page:Asselineau - Charles Baudelaire - sa vie et son œuvre.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
Vie de Charles Baudelaire.

trois cent cinquante francs par an, compoſé, j’ai bonne mémoire ! de deux pièces & d’un cabinet. Je revois en ce moment la chambre principale, chambre à coucher & cabinet de travail, uniformément tendue ſur les murs & au plafond d’un papier rouge & noir, & éclairée par une ſeule fenêtre dont les carreaux, juſqu’aux pénultièmes incluſivement, étaient dépolis, « afin de ne voir que le ciel », diſait-il. Il était plus tard bien revenu de ces mélancolies éthérées, et aima plus que perſonne les maiſons & les rues. Il dit quelque part : « J’ai eu longtemps devant ma fenêtre un cabaret rouge & vert qui était pour mes yeux une douleur délicieuſe. » (Salon de 1846.)

Entre l’alcôve & la cheminée, je revois encore le portrait peint par Émile Deroy en 1843, & ſur le mur oppoſé, au-deſſus d’un divan toujours encombré de livres, la copie (réduite) des Femmes d’Alger, œuvre du même peintre, faite pour Baudelaire, & qu’il montrait avec orgueil. Qu’eſt devenue cette copie, reſtée belle dans mon ſouvenir ? Je l’ignore, & Baudelaire lui-même n’a jamais ſu me le dire. Le portrait heureuſement a été ſauvé & nous a conſervé la phyſionomie de