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Vie de Charles Baudelaire.

C’eſt ce qu’il appelle dans ſes notes le ton « éternel et coſmopolite », le ſtyle-René, le ſtyle-Alphonſe Rabbe, &c., &c.

On retrouve la trace de l’émotion que lui cauſa la révolution de Février dans deux ou trois articles du temps[1] et dans la préface qu’il écrivit pour l’édition illuſtrée des chanſons de Pierre Dupont (1851)[2][3].

  1. On a ſouvent cité l’article intitulé Les Chatiments de Dieu, publié le 28 février dans le Salut public, journal qui n’eut que deux numéros. Cet article a été reproduit in-extenſo dans la Revue critique des journaux de 1848, de M. J. Wallon.
  2. À propos de ces œuvres éparpillées de la première jeuneſſe, on ne doit pas craindre de multiplier les citations. J’extrais ſeulement quelques lignes de cette préface écrite d’un ton dogmatique & qui confirme ce que j’ai avancé de la dualité de l’eſprit de Ch. Baudelaire. Il s’agit d’abord du Chant des ouvriers, compoſé par P. Dupont en 1846, après le ſuccès de ſon recueil des Payſans. Je me rappelle encore la confidence qu’il m’en fit, avec une naïveté charmante, et comme encore indécis dans ſa réſolution. Quand j’entendis cet admirable cri de douleur & de mélancolie, je fus ébloui et attendri. Il y avait tant d’années que nous attendions un peu de poéſie forte & vraie ! Il eſt impoſſible, à quelque parti qu’on appartienne, de quelques préjugés qu’on ait été nourri, de n’être pas touché du ſpectacle de cette multitude maladive, reſpirant la pouſſière des ateliers, avalant du coton, s’imprégnant de céruſe, de mercure & de tous les poiſons néceſſaires à la création des chefs-d’œuvre, dormant dans la vermine au fond des quartiers où les vertus les plus humbles et les plus grandes nichent à côté des vices les plus endurcis & des vomiſſements du bagne ; de cette multitude ſoupirante & languiſſante à qui la terre doit ſes merveilles* ; qui ſent un ſang vermeil & impétueux couler dans ſes
  3. * On devine que les mots en italique ſont des citations des vers de la chanſon.