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Les Fleurs du Mal.

condamne. Que voulez-vous qu’il faſſe ? Il entend un infortuné s’écrier : — Dieu n’exiſte pas ! Et il conclut que l’auteur eſt un impie. Où eſt le poëte-expert qui lui dira que ce cri n’eſt là que pour exprimer le délire d’un malheureux au déſeſpoir ; que telle image eſt admirable, que tel mot choquant eſt bien en ſa place ? qui lui expliquera ce que c’eſt que le relief & la couleur dans la phraſe poétique, ce que c’eſt que les priviléges & les droits de l’art ; comment il importe à la dignité & à la logique des langues que de certaines propriétés, bannies par décence du langage uſuel, soient maintenues & conſervées dans le diſcours écrit, &c., &c., &c. ?

Pour Baudelaire, l’expertiſe était toute faite. Les meilleures plumes, les eſprits les plus graves avaient déjà plaidé pour lui. — « Nous le laiſſons sous la caution du Dante ! » avait dit Édouard Thierry en finiſſant son admirable feuilleton du Moniteur univerſel. D’autres articles, dont le procès commencé ſuſpendit la publication, celui, entre autres, de Barbey d’Aurevilly dans le Pays, avaient révélé, en le développant, le vrai ſens du livre & caractériſé le génie du poëte. Ajoutons, pour l’exemple, que M. Paulin Limayrac, alors