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Les Fleurs du Mal.

& franches, cruelles même parfois, m’ont fait rougir des vices de mon temps, ſans me faire jamais déteſter les coupables, car une pitié profonde circule à travers ces pages indignées d’un ſatiriſte humain & charitable. »

Et là-deſſus j’aurais ouvert le livre ; & avec l’émotion du ſouvenir & de l’admiration reconnaiſſante, j’aurais récité, par exemple, les belles ſtances qui finiſſent la pièce intitulée : Bénédiction, & qui font un hymne ſi éloquent à la ſouffrance & à la réſignation du poëte :


Vers le ciel où ſon œil voit un trône ſplendide,
Le poëte ſerein lève ſes bras pieux,
Et les vaſtes éclairs de ſon eſprit lucide
Lui dérobent l’aſpect des peuples furieux.

Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la ſouffrance
Comme un divin remède à nos impuretés,
Et comme la meilleure & la plus pure eſſence
Qui prépare les forts aux ſaintes voluptés !

Je ſais que vous gardez une place au poëte
Dans les rangs bienheureux des ſaintes Légions,
Et que vous l’invitez à l’éternelle fête
Des Trônes, des Vertus, des Dominations.

Je ſais que la douleur eſt la nobleſſe unique
Où ne mordront jamais la terre & les enfers ;
Et qu’il faut, pour treſſer ma couronne myſtique,
Impoſer tous les temps & tous les univers.